C’est un sentiment de plus en plus largement partagé dans les salles des professeurs. Le traitement des personnels dans le cadre du mouvement ou des promotions, mais aussi l’allocation de moyens dans les établissements en sont sans doute la cause. Le professeur est déshumanisé et sa valeur professionnelle n’entre pas en ligne de compte. Il est une ligne dans un tableur qui occupe un poste, encadre un certain nombre d’élèves et représente un coût.

C’est la logique qui prévaut dans les rapports de la cour des Comptes ou autre Inspection des finances. Le dernier rapport conjoint de l’IGÉSR et de l’IF[1] rendu public le 4 septembre dernier étudie différents scénarios pour tirer profit de la baisse démographique attendue et réaliser des économies. Fermeture de classes relèvement du seuil de dédoublement des classes de CP, réorganisations territoriales, toutes les pistes envisagées ont un objectif : économiser des ETP (équivalents temps plein), soit des professeurs.

Or, si le SNALC ne conteste pas la légitimité d’un contrôle des dépenses publiques, il s’inquiète néanmoins du glissement qui consisterait à considérer « la ressource enseignante » sous son seul aspect quantitatif en négligeant la qualité du service rendu.

À bien y réfléchir, cette vision est parfaitement en cohérence avec l’une des évolutions introduites par le pacte : le remplacement de courte durée (RCD). En effet, pour remplacer un professeur de mathématiques absent, il n’est nul besoin de disposer d’un professeur de mathématiques. N’importe quel professeur peut faire l’affaire, et même s’il n’a pas la classe habituellement. En l’absence de professeur, une salle avec des ordinateurs et l’encadrement d’un AED paraissent tout aussi adaptés. Il est évident que la qualité d’un professeur, dans ce contexte, n’a rien à voir avec son enseignement. Il doit être là, face aux élèves, quoi qu’il fasse. Certains appellent cela la « garderie nationale ».

Les conséquences d’une telle vision ne se sont pas fait attendre. Désormais, il n’est plus question de rater une heure de cours pour se former. Améliorer la qualité de l’enseignement – si tant est que les formations aboutissent toutes à cela – n’est plus du tout un sujet pertinent. Seule compte la présence du moyen d’enseignement face à l’élève. La qualité importe si peu que, malgré les alertes, les embauches en speed-dating, avec à peine quatre jours de formation, sont presque devenues une norme fortement installée sur l’ensemble du territoire.


[1] Revue des dépenses dispositifs en faveur de la jeunesse : https://www.education.gouv.fr/revue-de-depenses-dispositifs-en-faveur-de-la-jeunesse-415289